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Le retour de Guy le Querrec en Chine

by Jean Castorini / 12/12/2019

Trente ans après son dernier voyage en Chine, Guy Le Querrec, photographe français de l’agence Magnum, est de retour dans ce pays à l’occasion de l’inauguration de sa nouvelle exposition. Les soixante et onze photographies y sont dévoilées pour la première fois au public. « Le Geste Chinois », révèle son regard humain rempli d’humour et d’empathie sur une Chine des années 1980 en pleines réformes économiques et ouverture diplomatique.

Guy Le Querrec

Le photographe d’origine bretonne, né à Paris, est surtout connu pour ses photographies sur le thème du Jazz, de l’Afrique, de la Bretagne ou du Dakota du Sud. Il a su diversifier ses voyages au cours de sa carrière. Aujourd’hui âgé de soixante-dix-huit ans, le photographe français refuse sans concessions l’utilisation du portable ainsi que de l’ordinateur, déclarant avoir trop de choses à observer et admirer autour de lui. Guy Le Querrec préfère se décrire « un petit peu comme une boule de billard », parce que « la boule de billard, c’est quelque chose qui ricoche sur une bande, part dans l’autre sens et change de direction régulièrement », explique-t-il. Son œuvre, née dans des environnements aussi contrastés que l’Afrique et le Dakota du Sud, et ses quatre-vingts degrés de différence, en est une allégorie. Le Querrec compte parmi ses influences le cinéma d’après-guerre, ainsi que le néo-réalisme italien et les films de Rossellini, Visconti, ou encore, Fellini - qu’il admirait durant son adolescence. Il exprime avoir « surtout aimé le cinéma contenant des images qui me donnaient envie de faire de la photo » et il dit continuellement voulu avoir « un bouton pour arrêter l’image du film ». Certaines des photographies exposées, telles que sa première photographie d’un cheminot au regard terrifiant à l’avant du train transsibérien, prise à la frontière sino-mongole, témoignent de ses influences cinématographiques. S’étant initié dès son plus jeune âge à la photographie, en tant qu’autodidacte, il évoque sa grand-mère et son influence humaine, perceptible dans son travail en Dakota du Sud, en 1990. Le commissaire de l’exposition, Jean Loh préfère voir en Le Querrec « le digne héritier des deux fondateurs de Magnum, Henri Cartier Bresson, pour l’instant décisif et la géométrie, Robert Capa, pour être tout près ».

Rencontre avec la Chine

En 1984, à la suite d’une invitation de l’Association amicale franco-chinoise, Le Querrec effectue son premier voyage en Chine et découvre Pékin, Sichuan, Wuhan, Nanjing, Suzhou et Shanghai. Deux ans plus tard, c’est à l’initiative de Leica que le photographe retourne en Chine, cette fois-ci à Hong Kong, Pékin et Shanghai. Puis, deux ans plus tard, c’est le retour avec une douzaine d’élèves, pour un atelier photographique dans le cadre des rencontres de Arles. A cette occasion, Le Querrec revient dans la province du Fujian. Son dernier voyage, en 1989, à l’occasion du projet ‘A Day in the Life of China’ (Un jour dans la vie de la Chine) est le plus bref, se résumant à un jour. Durant ces trois courts voyages, Le Querrec réussit à compiler des milliers de clichés, notamment grâce à son « stakhanovisme », remarque Jean Loh. Le photographe breton déclare : « Je suis tellement curieux de la vie, curieux des rencontres, curieux de tout que dès que je vois une faille pour glisser ma curiosité, j’y vais ». En tant que photojournaliste, il n’est pas seulement l’œil de la transformation économique de la Bretagne des années 1960, il est tout autant l’observateur curieux des dynamiques sociales, économiques et culturelles que sont celles de la Chine des années 1980. Comme dans cette photographie d’une foule de personnes rassemblées sous des drapeaux chinois et américain, prise à Pékin le 26 Avril 1984, à l’occasion de la visite du président américain Reagan. Les trente ans qui se sont écoulés depuis sa dernière visite, ainsi que les métamorphoses urbaines et sociales qui ont pris place entre temps ne semblent pas perturber le photographe. Pourtant, son expérience durant sa dernière visite - à une époque où les politiques d’ouverture à l’international étaient encore restreintes - était bien différente. Et pour cause, celui-ci raconte avoir été surveillé de près durant ses premiers voyages. Pour autant, cela ne l’a pas empêché, de temps en temps, de faire des « farces » en s’échappant. Le contact humain et plein d’humour du photographe de l’agence Magnum permet de briser le côté théâtral de ce qui pouvait ressembler à une visite guidée de la Chine au début des années 1980. Pour le photographe, parlant mal l’anglais et peu d’autres langues autres que le français, le rire et son humour lui permettent de cultiver la proximité avec ses sujets. Comme dans cette photographie prise durant un enterrement dans la campagne du Fujian, où il réussit à se rapprocher, ou encore, dans une autre photographie, une carrière de pierre où travaillent des jeunes femmes. Dans d’autres clichés, le visiteur est confronté à des évènements et endroits aussi divers qu’ un match de football entre Guangzhou et Nanjing, en 1984, une pharmacie de l’institut traditionnel de médecine chinoise de Chengdu, un groupe de Jazz au Peace Hotel de Shanghai, en 1984, ou encore, une photographie montrant un jeune enfant vendant des paniers en bamboo au marché Wanxian, dans la ville de Chongqing. La passion de Guy Le Querrec pour le jazz est présente à travers l’exposition, avec une photographie du guitariste Jimmy King et le groupe de jazz Jingling à Nanjing.

Jimei x Arles : les rencontres de la photographie de l’Arles chinoise

Co-crée en 2014 à l’initiative de Sam Stourdzé et le photographe chinois RongRong, le festival ‘Jimei x Arles’ dévoile au public chinois chaque année huit expositions itinérantes précédemment exposées à Arles, cinq expositions d’artistes contemporain chinois ainsi que d’autres expositions thématiques. Depuis sa première édition en 2014, le festival compte plus de 230,000 visiteurs. Cette cinquième édition rassemble un éclectisme dans les œuvres exposées. Cette année le festival franco-chinois ne compte pas moins de 30 expositions, plus de 50 artistes exposés et 25 curateurs. De l’art contemporain avec ‘Why is our memory always black and white’ de Li Qiang aux photographies de Guy Le Querrec de la Chine pré-Tienanmen, en passant par ‘Datazone’ de Philippe Chancel. Bien que ‘The Chinese Gesture’ ne fût initialement pas destiné pour le festival ‘Jimei x Arles’, l’exposition fait désormais partie de la section du festival intitulé ‘Action locale’. La directrice artistique du festival Bérénice Angremy raconte l’ambition de la section locale de « définir une programmation basée sur des artistes ou commissaires lié à la ville de Xiamen ou à la province du Fujian », de « façon à faire un écho sur ce qui se passe sur la scène contemporaine ». L’année dernière cette même section du festival exposait des photographies datant des années 1980, prises par divers photographes chinois originaires de la province du Fujian. Guy Le Querrec a cessé de voyager. A l’avenir, ce seront ses oeuvres que Jean Loh espère faire voyager dans d’autres villes chinoises. Espérons que ses photographies au regard singulier continueront de révéler au public chinois un récit d’une Chine traversant une période historique charnière, désormais révolue.

Le festival Jimei x Arles se déroule jusqu’au 5 Janvier 2020.

Top image: Guy Le Querrec, Funeral Brass Band in Xiangqiang Village (Fujian), April 1989. Courtoisie de l’artiste / Magnum Photos

Guy Le Querrec, Morning stretching on the Bund, Shanghai, 13 May 1984. Courtoisie de l’artiste / Magnum Photos

Guy Le Querrec, Taiji and Qigong moves, Qianmen - Yong An lu (Beijing), 9 November 1988. Courtoisie de l’artiste / Magnum Photos.

Guy Le Querrec, Bao Guang Temple, Xindu (Sichuan), 27 April 1984. Courtoisie de l’artiste / Magnum Photos

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